Observatoire des dépenses des collectivités territoriales

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jeudi 16 avril 2009

SEDIF : suite... et fin ?

sedif_cher-1.jpgSuite

Pour faire suite à notre billet du 25 mars dernier, voici le résultat du vote des élus délégués au Syndicat des Eaux d'Ile-de-France : la délégation du service public de l'eau va prendre la forme d'un contrat unique, pour une durée de 10 ans (durée préconisée par l'UFC-Que Choisir), à partir du 1e janvier 2011.

Cela signifie donc que la division du marché en plusieurs lots, qui avait été proposée par plusieurs élus, a été rejetée. Pour ses défenseurs, la division du marché aurait permis d'instaurer une concurrence véritable sur ce contrat détenu par le même délégataire depuis 1923.

... et fin ?

La Gazette des communes reprend les propos d'un élu local pour qui "il ne peut pas ne pas y avoir de contentieux" car le SEDIF ne pourra pas démontrer qu'il a mis en place les conditions d'une véritable concurrence. Pour cet élu, tout est plié : reconduction fin 2008 du mode actuel de gestion de l'eau (délégation de service public sous la forme de la régie intéressée), puis choix en avril 2009 du maintien d'un contrat unique. Alors demain, on peut s'attendre à ce que le candidat retenu soit à nouveau Véolia.

Alors que des associations de consommateurs comme l'UFC - Que Choisir dénoncent une surfacturation de l'eau en Ile-de-France de l'ordre de 90 millions d'euros par an, on peut se demander pourquoi les délégués reconduisent le contrat sous la même forme qu'auparavant. Selon le délégué d'Arcueil au SEDIF, l'Autorité de la concurrence pourrait s'autosaisir. A moins que ce soit une association de consommateurs qui saisisse cette Autorité suite au manque manifeste de mise en concurrence. En tout cas, si rien n'est fait, le consommateur francilien risque bien de continuer à payer l'eau à prix d'or.

mercredi 25 mars 2009

Le SEDIF : vers une concurrence renforcée ?

robinet.jpgLe dossier du Syndicat des Eaux d'Île-de-France (SEDIF) est très suivi par tous les observateurs de la gestion de l'eau. Celui-ci a connu ces derniers temps de nombreux rebondissements, et il risque d'y avoir encore des surprises tant que le nouveau délégataire n'a pas été choisi. Le 11 décembre 2008, dans une ambiance très tendue, les délégués ont voté en faveur du maintien de la délégation de service public (voir notre billet à ce sujet). Depuis 1962, le SEDIF est lié à Veolia par un contrat de régie intéressée (une des formes de la délégation de service public).

Alors que Veolia est accusée par des associations de consommateurs de "surfacturer" l'eau des franciliens, les modalités de la mise en concurrence du prochain contrat sont évidemment cruciales. Des élus ont demandé à ce qu'une commission examine la possibilité de diviser le marché en plusieurs lots (allotissement). Cette idée avait d'ailleurs été proposée dans une étude de l'UFC - Que Choisir intitulée "Syndicat des Eaux d'Ile-de-France, La fin du contrat". Jusqu'ici en effet, le SEDIF s'est engagé avec un seul opérateur, par des contrats très longs. L'association de consommateurs propose donc un découpage fonctionnel du contrat (exploitation des usines de production, gestion des abonnés...). On peut envisager que certaines prestations, comme la gestion des abonnés, fassent l'objet de contrats plus courts.

Le 4 février, la commission ad hoc a rendu un avis défavorable sur cette question. André Santini, Président du SEDIF, s'est par ailleurs prononcé personnellement contre l'allotissement. Les conclusions de la commission allotissement seront présentées au Comité du SEDIF qui se réunira en avril prochain.

La responsabilité des élus

Le contrat du SEDIF est symbolique, et il rappelle un enjeu très important de la délégation de service public : pour des services qui nécessitent d'importantes infrastructures, comme la gestion de l'eau, les élus choisissent un délégataire pour une période forcément longue, même si celle-ci peut varier. Or, une fois que le prestataire est choisi, le consommateur est un client "captif", c'est-à-dire qu'il n'a pas le choix de l'opérateur. Pour cette raison, les élus ont une grande responsabilité, et il est normal qu'ils veillent à ce que le marché soit le plus concurrentiel possible afin de faire le meilleur arbitrage sur la qualité et le prix. L'allotissement est sans doute une des réponses possibles à cette difficulté.

mercredi 14 janvier 2009

A Rouen, Fabius joue avec les mots

Le service de la gestion de l'eau est un instrument qui peut servir à des fins assez éloignées de la production et de la distribution d'eau potable à la population. Rouen, ou plus exactement la Communauté d'Agglomération Rouennaise (CAR), en est un exemple. Actuellement, la gestion de l'eau n'est pas unifiée au niveau de l'intercommunalité :

  • dans certaines communes, la gestion de l'eau est déléguée à Veolia. Le contrat expire fin 2009,
  • dans d'autres communes, la gestion est déléguée à Suez. Le contrat expire un an plus tard,
  • enfin, le service de l'eau est assuré par une régie directe dans plusieurs communes, dont Rouen.
La question de la gestion de l'eau dans l'agglomération refait surface en raison de l'expiration prochaine du contrat de délégation avec Veolia. Des élus ont plaidé en faveur de l'extension de la régie à cette occasion. Laurent Fabius, Président de la CAR, vient d'annoncer l'extension de cette régie directe, et s'appuie pour cela sur cette étude : etude-mode-dexploitation.ppt

Les vrais enjeux de l'extension de la régie à Rouen
Cette décision inattendue de Laurent Fabius intervient dans un contexte difficile : le Président de la CAR ne parvient pas à transformer la Communauté d'agglomération en Communauté urbaine. Il a entre autres besoin de l'appui des élus verts et de l'extrême gauche. L'extension de la régie est un geste pour obtenir leur soutien.

Par ailleurs, il est annoncé que l'extension de la régie directe est la solution la moins coûteuse pour les usagers. Or ce ne sont pas là les conclusions de l'étude, pourtant commandée par Laurent Fabius lui-même. En effet :
  • la délégation de service public est d'emblée évacuée de la comparaison, ce qui pose question
  • on compare "régie contrôlée" et régie directe,
  • le résultat de cette comparaison tronquée penche en faveur de la "régie contrôlée".
On peut donc se demander à quoi il sert de commander des études pour en prendre le contre-pied. Mais venons-en au véritable objet de ce billet : pourquoi parler de "régie contrôlée" ? Il s'agit en fait d'une régie autonome, c'est-à-dire que la gestion du service de l'eau par un établissement public industriel et commercial (EPIC).
Lorsque Laurent Fabius a commandé l'étude, penchait-il en faveur de ce mode de gestion et pensait-il que le terme "autonome" aurait du mal à passer ?

Tout le monde sait que la politique, c'est aussi de la communication, mais rebaptiser les modes de gestion, ce n'est pas "un peu limite" ?

vendredi 12 décembre 2008

Maintien de la délégation de service public au SEDIF

sedif.jpgLe Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF) gère le service de l'eau de 144 communes d'Ile-de-France (Paris n'en fait pas partie). Le contrat du SEDIF, le plus important de France (plus de 4 millions d'habitants), est détenu par Veolia (ex Compagnie Générale des Eaux) depuis 1962. Les délégués se prononçaient jeudi sur le choix du mode de gestion.

Voici un extrait de l'article de l'AFP :

"Les élus du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) ont voté jeudi en faveur du maintien au secteur privé de la gestion du plus gros service d'eau potable en Europe, par 88 voix contre 54. Ce vote, effectué à bulletins secrets, entérine la poursuite de la délégation de service public (DSP), confiée depuis 1923 au groupe Veolia (alors Générale des Eaux), et rejette de fait la constitution d'une régie publique qui avait notamment les faveurs d'élus de gauche." "Signé en 1962 pour un montant de 317 millions d'euros, le dernier contrat confié à Veolia expire fin 2010 et se trouve au centre de critiques d'associations et d'élus de gauche qui dénoncent régulièrement "une surfacturation" de l'eau francilienne, UFC-Que Choisir l'ayant évaluée à 90 millions d'euros par an. Une étude commandée par le Sedif lui-même montre pour sa part que des économies de 35 à 42,5 millions d'euros par an pourraient être réalisées en rénovant le mode de gestion actuel. Le débat a pris de l'ampleur depuis la décision fin novembre de la ville de Paris de remunicipaliser la distribution de l'eau dans la capitale."

Le maintien de la délégation de service public signifie mise en concurrence des opérateurs de l'eau. Il sera donc important de suivre notamment les points suivants :

  • quelle durée pour le prochain contrat ?
  • comment l'égalité de traitement entre les candidats va-t-elle être assurée lors de la procédure d'appel d'offres ?

Pour mieux comprendre les enjeux de ce vote, vous pouvez vous reporter à un précédent article qui recense les divers modes de gestion de l'eau.

jeudi 11 décembre 2008

Que signifie la "remunicipalisation" de l'eau ?

wallace.pngDans toute campagne qui vise à emporter la sympathie de l'opinion, il est particulièrement important d'analyser les mots. Ceux-ci, assenés comme des slogans, finissent par s'imposer comme des évidences et deviennent imperméables à la critique et à la profondeur historique. C'est le devoir des citoyens et particulièrement des élus de ne pas être dupes des mots en vogue.

Parmi ces mots en vogue, il y celui de "remunicipalisation" de la gestion de l'eau. C'est un sujet dont on parle beaucoup en ce moment, notamment à cause de la décision des élus de Paris de "remunicipaliser" l'eau dans leur ville.

Alors, qu'est-ce qu'une campagne pour "remunicipaliser" la gestion de l'eau signifie ? Que l'eau doit être gérée en régie directe par les communes, comme au bon vieux temps ? Ce soi-disant retour à un âge d'or indéterminé nécessite un petit point historique.

La gestion de l'eau en France, c'est une série de mouvements de balancier entre gestion en régie et gestion déléguée. Sous le Second Empire, Haussmann arrive à la Préfecture de la Seine en 1853. Il lance une politique de grands travaux visant à rendre la ville de Paris plus salubre. Le service de l'eau est un élément majeur de cette préoccupation progressiste et hygiéniste. C'est à cette même époque que naît la délégation de service public, caractéristique du modèle français de la gestion de l'eau... et la Compagnie Générale des Eaux. Très vite, la Générale obtient des concessions à Lyon, Nantes, Paris (en 1860). En 1880 naît la Lyonnaise des Eaux.

La période qui suit est plus favorable à une gestion "municipale" de l'eau, c'est-à-dire à la régie. L'instauration de l'élection du maire au suffrage universel en 1884 ouvre une période de socialisme municipal qui va durer jusqu'à la Grande Guerre. Les élus socialistes et radicaux des grandes villes souhaitent en effet reprendre la main sur les grandes infrastructures. Dans l'entre-deux-guerres, La Lyonnaise et la Générale développent leurs compétences. Elles échappent ensuite à la vague de nationalisations prévues par le Conseil National de la Résistance. Pendant les Trente Glorieuses, la France s'urbanise, les besoins en infrastructures sont immenses. Trois compagnies conquièrent les marchés de l'eau. De nouveaux enjeux, tels que la pollution liée à une agriculture de plus en plus intensive, rendent nécessaires une nouvelle expertise.

De ce bref aperçu historique, on peut tirer quelques remarques :

- la gestion de l'eau varie selon les périodes historiques, mais l'origine du modèle français actuel est marqué par le développement des concessions (une des formes de la délégation de service public). Le terme de "remunicipalisation" renvoie donc non pas à une origine, mais peut-être à la période qui a précédé la Grande Guerre,

- les périodes de grands changements (mouvement hygiéniste du XIXe siècle, Trente Glorieuses) sont marquées par un essor de la délégation à des entreprises qui développent une nouvelle expertise.

Alors l'enjeu est le suivant : sommes-nous dans une période où la gestion de l'eau n'est pas une question stratégique (préservation de la ressource et de sa qualité) ? Est-ce que les municipalités ont les moyens d'engager une politique de recherche et développement ?

"Remunicipaliser", c'est possible, mais à moyen et long terme, on fait comment pour faire face aux enjeux environnementaux posés par la gestion de l'eau ?

(Pour plus de détails sur les modes de gestion de l'eau, voir cette petite notice sur les modes de gestion de l'eau)

vendredi 21 novembre 2008

Petite notice juridique pour mieux comprendre la gestion de l'eau

canalisation.pngLa gestion de l'eau est un service de proximité essentiel rendu par les collectivités territoriales. Pour mener à bien cette mission, plusieurs grandes "formules" sont à leur disposition :

La régie

  • La régie simple : la collectivité assure la gestion du service avec son propre personnel. Elle procède à l'ensemble des dépenses et à leur facturation à l'usager. Elle peut faire appel à des prestataires extérieurs mais les rémunère directement dans le respect du code des marchés publics. La gestion de l'eau est alors un simple service de la collectivité.
  • La régie autonome : c'est un établissement public qui reste sous le contrôle de la collectivité mais qui dispose de son propre conseil d'administration et d'un directeur. Son conseil vote le budget et fixe les prix du service.

La délégation de service public

  • La concession de service public : c'est le contrat par lequel une personne publique, le concédant, délègue à un cocontractant public ou privé, le concessionnaire, l'exercice même du service public que ce dernier assure, à ses frais et risques, en étant rémunéré par des redevances perçues sur les usagers.
  • L'affermage, est le contrat par lequel une personne publique délègue à son cocontractant l'exécution même d'un service public, lui fournit les installations nécessaires à cette charge et perçoit en contrepartie une redevance fixe. La différence avec la concession est perceptible à deux égards. La rémunération du fermier sera égale à la différence entre les montant des redevances perçues sur les usagers et celui de la redevance fixe versée à la collectivité publique. Ensuite le fermier reçoit de la collectivité les installations nécessaires à l'exploitation du service.
  • La régie intéressée : le service public est confié par contrat à un organisme, public ou privé qui va se trouver, non dans la situation d'un entrepreneur (comme le concessionnaire), mais dans celle d'un gérant intéressé. La rémunération du régisseur dépend non des bénéfices réalisés, mais d'autres résultats de sa gestion : économies réalisées, gains de productivité, extension du service, amélioration de sa qualité.
  • Le contrat de gérance : ce contrat ne comporte pas d'intéressement du gérant aux résultats.
  • Les contrats de délégation innomés : il s'agit de tous les contrats de concession qui ne sont pas ceux précités.