Observatoire des dépenses des collectivités territoriales

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 27 avril 2009

Quand les élus remplacent les DRH des entreprises

Lors d'un précédent billet, nous parlions du choix de Laurent Fabius, président de la Communauté de l'Agglomération de Rouen, d'étendre la gestion de l'eau en régie directe. Ce choix avait retiré à Veolia la gestion de l'eau dans plusieurs communes de l'agglomération. Mais aujourd'hui, c'est une autre filiale rouennaise de Veolia qui fait parler d'elle: la TCAR (société de transports en commun de l'agglomération rouennaise).

Le site d'information Rue89 vient de lever un coin du voile sur des pratiques peu flatteuses, en dénonçant une ingérence politique dans la gestion des ressources humaines de l'entreprise. Revenons sur les faits: en janvier 2008, une salariée de VTNI (filiale de Veolia Environnement), résidant à Grand-Quevilly, écrit au maire adjoint de sa commune, qui n'est autre que Laurent Fabius, pour lui demander d'appuyer sa demande de mutation au sein de la TCAR, autre entreprise filiale de Veolia Environnement qui exploite le réseau Métrobus de Rouen pour le compte de la Communauté d'Agglomération (lire le document). Laurent Fabius écrit donc à Philippe Bonnat, directeur de la TCAR, pour attirer son attention sur ce cas:

"Je vous remercie de bien vouloir étudier sa candidature et de me tenir informé de la suite qui pourra être réservée à ma démarche." (lire le document)

Il reçoit une réponse courtoise mais ferme: les recrutements de la TCAR ne se font pas sur piston:

"Seuls les compétences et l'adéquation d'un profil par rapport aux postes à pourvoir est pris en considération afin de respecter l'équité nécessaire à la crédibilité du processus." (sic) (lire le document)

Hélas pour le directeur de la TCAR, on ne contrarie pas impunément Laurent Fabius... Contrairement aux démentis qu'il a apporté aux syndicats de la TCAR, le président de la Communauté de l'Agglomération de Rouen s'est plaint auprès du PDG de Veolia, Henri Proglio, que le grand public a découvert il y a deux ans dans le reportage de «Paris Match» consacré à la soirée présidentielle au Fouquet's... Pour preuve, la copie de sa lettre. Deux mois plus tard, en mai 2008, Philippe Bonnat est muté à Bordeaux... en tant que responsable technique du réseau de transport.

A Rouen, on ne refuse rien à Laurent Fabius. On se demande jusqu'où va le pouvoir des barons locaux sur les entreprises qui assurent des missions de service public, d'autant plus que Proglio, ami de Sarkozy qui vient de lui donner pour mission la promotion de la formation des jeunes en alternance dans les grandes entreprises, ne peut pas être suspecté d'être proche de Fabius...

Bookmark and Share

mercredi 14 janvier 2009

A Rouen, Fabius joue avec les mots

Le service de la gestion de l'eau est un instrument qui peut servir à des fins assez éloignées de la production et de la distribution d'eau potable à la population. Rouen, ou plus exactement la Communauté d'Agglomération Rouennaise (CAR), en est un exemple. Actuellement, la gestion de l'eau n'est pas unifiée au niveau de l'intercommunalité :

  • dans certaines communes, la gestion de l'eau est déléguée à Veolia. Le contrat expire fin 2009,
  • dans d'autres communes, la gestion est déléguée à Suez. Le contrat expire un an plus tard,
  • enfin, le service de l'eau est assuré par une régie directe dans plusieurs communes, dont Rouen.
La question de la gestion de l'eau dans l'agglomération refait surface en raison de l'expiration prochaine du contrat de délégation avec Veolia. Des élus ont plaidé en faveur de l'extension de la régie à cette occasion. Laurent Fabius, Président de la CAR, vient d'annoncer l'extension de cette régie directe, et s'appuie pour cela sur cette étude : etude-mode-dexploitation.ppt

Les vrais enjeux de l'extension de la régie à Rouen
Cette décision inattendue de Laurent Fabius intervient dans un contexte difficile : le Président de la CAR ne parvient pas à transformer la Communauté d'agglomération en Communauté urbaine. Il a entre autres besoin de l'appui des élus verts et de l'extrême gauche. L'extension de la régie est un geste pour obtenir leur soutien.

Par ailleurs, il est annoncé que l'extension de la régie directe est la solution la moins coûteuse pour les usagers. Or ce ne sont pas là les conclusions de l'étude, pourtant commandée par Laurent Fabius lui-même. En effet :
  • la délégation de service public est d'emblée évacuée de la comparaison, ce qui pose question
  • on compare "régie contrôlée" et régie directe,
  • le résultat de cette comparaison tronquée penche en faveur de la "régie contrôlée".
On peut donc se demander à quoi il sert de commander des études pour en prendre le contre-pied. Mais venons-en au véritable objet de ce billet : pourquoi parler de "régie contrôlée" ? Il s'agit en fait d'une régie autonome, c'est-à-dire que la gestion du service de l'eau par un établissement public industriel et commercial (EPIC).
Lorsque Laurent Fabius a commandé l'étude, penchait-il en faveur de ce mode de gestion et pensait-il que le terme "autonome" aurait du mal à passer ?

Tout le monde sait que la politique, c'est aussi de la communication, mais rebaptiser les modes de gestion, ce n'est pas "un peu limite" ?